Nous avions évoqué le
décès de Philippe Hartmann le 17 janvier 2014, le lendemain de sa mort.
Puis nous avions publié
un bref article le 21 janvier 2014 avec un lien très riche sur une publication de Pascal Quoirin qui l'a bien connu.

Voici une autre publication parue dans l'Orgue Francophone N° 50, revue de la FFAO (Fédération Francophone des Amis de l'Orgue) et signée de Jean Paul Schiffmann.
Cet article annonce également La Journée Hommage à Philippe Hartmann
Le 20 mai 2015
"J’ai fait la connaissance de Philippe Hartmann en même temps que celle de Maurice Moerlen en 1965. Il était venu installer un petit orgue positif au séminaire de Pelousey (25), pour l’enregistrement des chorals de la Passion selon Saint-Jean de Bach avec les choeurs symphoniques de Besançon placés sous la direction de Roger Pernette. Maurice Moerlen tenait le clavier.
Passionné d’orgue, je rencontrais deux personnes qui restèrent ensuite des références dans ma vie et pas seulement sur le plan artistique.
Philippe Hartmann travaillait à cette époque sur l’orgue de Baume les Dames qui fut inauguré deux ans après par Michel Chapuis. Il était déjà reconnu comme un facteur d’orgue très clairvoyant. N’avait-il pas sauvé plusieurs instruments dont le grand orgue de Dole dans les années cinquante et en 1963 celui de Saint-Jean de Losne qu’il aimait particulièrement.
Je l’ai retrouvé à plusieurs reprises en particulier à Saint Dié au stage d’orgue que dirigeait Pierre Vallotton, fondateur de la FFAO. Je me souviens d’une conversation avec Pierre qui qualifiait Philippe Harmann de « facteur d’orgue génial du siècle » !
Un dimanche matin nous venions de suivre ensemble le culte au temple de Saint-Dié. Philippe m’invita à aller aussi à la messe à la cathédrale car «nous sommes aussi catholiques, Schiffmann, n’est-ce pas ?» Ca m’avait amusé sur le moment, mais en même temps je découvrais la foi profonde de l’homme. J’ai pu par la suite confirmer cette impression dans différentes conversations, y compris théologiques, toujours passionnantes.
Une conversation avec Phlippe amenait toujours ses amis à se remettre en cause sur bien des points de leur existence, et naturellement sur la manière de penser l’orgue tant sur le plan instrumental que sur le plan musical. Philippe Hartmann était intarissable sur Bach et sur la musique des XVII et XVIII ème siècles français, mais il avait aussi des avis pertinents sur les compositeurs du XXème siècle. Il avait son franc parler, mais avec une grande délicatesse il savait corriger une affirmation qui ne lui convenait pas.
Philippe Hartmann est décédé le 16 janvier 2014
C’est au cours d’une conversation informelle, avec Michel Chapuis et Jean Deloye, à Jouhe le 5 novembre 2014 que la personnalité de Philippe Hartmann a été évoquée pour la FFAO. En voici les traits principaux :
Philippe Hartmann a contribué à relancer la restauration des instruments anciens en veillant à leur protection. Il restera comme une personnalité indispensable dans le monde de la facture d’orgue de son temps. Nous partagions sa pensée et nous avons beaucoup discuté ensemble sur les instruments historiques en particulier.
C’était surtout un chercheur qui n’était pas sûr, d’ailleurs, de ses idées. Elles étaient toujours très intéressantes : il a fait des essais notamment sur le plan mécanique et sur le plan sonore, tout en restant très prudent. Il avait une grande qualité : il savait aussi recevoir les idées des autres sur le plan technique et les adopter, si elles lui paraissaient bonnes. A cet égard, il n’était pas jaloux du tout, et acceptait volontiers de partager ses propres idées. Il ne cachait pas son savoir-faire, ce qui est assez rare, quand bien de ses confrères cherchent à garder leurs secrets.
Tous ceux qui l’ont connu en gardent des souvenirs émus. L’homme était d’une extrême gentillesse et d’une grande bonté. C’est ainsi qu’on ne l’entendait jamais dire du mal de ses collègues. Cela ne l’empêchait pas de faire des remarques sans condescendance sur une approche qu’il jugeait discutable. D’une grande culture foncière, il échangeait sur tous les sujets avec une grande courtoisie.
Son influence parmi les facteurs d’orgue a été importante non seulement en France, mais également au niveau européen. Il a impulsé un mouvement qui perdure de nos jours. De nombreux facteurs lui doivent leur formation initiale ou ont bénéficié de ses conseils.
Michel Chapuis précise qu’il a lui-même beaucoup appris de Philippe Hartmann sur le plan pratique, c’était le but, mais finalement sur tout le monde de l’orgue. Il voulait constamment faire connaître autour de lui ce qu’il savait.
Jean Deloye ajoute que dans le domaine des orgues de salon il avait beaucoup d’imagination. Il trouvait souvent des astuces originales. Michel Chapuis précise qu’à l’endroit des astuces «ce n’était même que ça». En présence d’un problème difficile il ne renonçait jamais et finissait toujours par trouver une solution.
Comme beaucoup de ses condisciples Jean Deloye déclare qu’il a été heureux «d’apprendre son métier avec cet homme là». Précision du travail bien fait, esprit du beau, choix des bons matériaux, conseils pertinents sur le plan technique …"
Lors d'une petite conférence avec les Amis de l'orgue de Dole, Jean Deloye terminait en disant que, bien sûr il avait un père biologique, mais que Philippe Hartmann était son "père professionnel".
Jean Paul Schiffmann
Revue L'Orgue Francophone N° 50 page 83
Hommage à Philippe Hartmann